La résistance aux antibiotiques : un défi majeur pour les vétérinaires et la médecine

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Staphylococcus Aureus Résistant à la Méthicilline

Staphylococcus Aureus Résistant à la Méthicilline

Les bactéries résistantes aux antibiotiques préoccupent beaucoup les professionnels de la santé et les pouvoirs publics. Cette question concerne tout autant la médecine que les milieux agricoles et vétérinaires. Cela tient aux  contaminations croisées – via l’alimentation entre autres – et aux passages des bactéries entre le monde animal et l’humain.

 

Toutes les bactéries offrent des résistances naturelles aux antibiotiques. Mais avec les usages plus ou moins raisonnés tant chez les animaux que chez les hommes, elles développent aussi des « résistances acquises », rendant inopérant les traitements médicaux. Par exemple, une proportion croissante de bactéries de type Escherichia coli a acquis des résistances aux antibiotiques céphalosporines de troisième génération.

 

Epuisement de l’arsenal thérapeutique

 

De nombreuses bactéries développent désormais des multirésistances aux différentes catégories d’antibiotiques. Ces bactéries multirésistantes, tel que le SARM (Staphylococcus Aureus Résistant à la Méthicilline), sont notamment à l’origine des infections nosocomiales responsables d’environ 4 000 morts par an en France et de plusieurs dizaines de milliers de morts par an en Europe.

Avec la montée des résistances, c’est l’efficacité même des grandes familles d’antibiotiques qui est en cause, tant dans l’élevage que pour la population. Il y a quelques années, l’innovation pharmaceutique permettait de trouver de nouvelles générations d’antibiotiques et d’enrayer les diverses infections. Mais on arrive aujourd’hui à une raréfaction des nouvelles formules et un épuisement de l’arsenal thérapeutique.

 

Résistances liées aux usages

 

« Dès qu’on utilise des antibiotiques, on sélectionne des résistances. C’est inévitable », explique Jean-Yves Madec, responsable de l’Unité Antibiorésistance et Virulence bactériennes à l’Anses. Mais il semble que l’on ait fortement accéléré ces phénomènes de résistances par des usages inconsidérés des antibiotiques. Dans l’aviculture par exemple, on a largement abusé des céphalosporines de dernière génération, au point de les injecter dans les oeufs en prévention, avant toute infection. L’utilisation des antibiotiques en préventif est une pratique intimement liée à la logique de l’élevage intensif..

 

Transmissions  entre animaux et humains

 

Par contact ou par voie alimentaire, l’Homme est exposée aux bactéries d’origine animale telles que les salmonelles et campylobacter. Les résistances peuvent ainsi passer de l’animal à l’Homme. « Si les salmonelles commencent à être résistantes aux grandes familles d’antibiotiques comme les céphalosporines de troisième génération ou les fluoroquinolones, on ne sait plus traiter. Le problème est encore plus grave pour les enfants, pour lesquels on ne peut pas utiliser les fluoroquinolones », commente Jean-Yves Madec.

Autre cas crucial de contamination, les infections par le staphylocoque SARM (Staphylococcus Aureus Résistant à la Méthicilline), une bactérie multirésistante présente notamment dans les élevages industriels de porcs, de poulets et de veaux, qui peut contaminer l’Homme. Aux Etats-Unis, le SARM a pris ces dernières années des allures d’épidémie, en particulier dans les milieux carcéraux, les hôpitaux, et les maisons de long séjour.

 

Les plans Antibiotiques

 

En France, les pouvoirs publics ont déjà lancé depuis 2001 trois plans Antibiotiques en santé humaine pour préserver l’efficacité des antibiotiques, avec un début de résultats positifs : par exemple, la résistance des SARM a baissé de 33% à 20%.  Dans l’élevage, le ministère de l’agriculture a lancé en novembre 2011 un plan visant à réduire de 25% sur cinq ans l’usage des traitements antibiotiques. « Tous les acteurs sont en ordre de marche. Chaque secteur doit avancer. C’est le cas de la filière porcine par exemple qui a déjà déclaré un moratoire sur certains antibiotiques », précise Jean-Yves Madec.

 

Dans deux à trois ans, on verra si la mobilisation des milieux vétérinaires, le travail de sensibilisation des éleveurs, le suivi et la surveillance de l’antibiorésistance des bactéries chez les animaux (réseau Résapath) portent ses fruits. La partie n’est pas gagnée, notamment en raison de traitements antibiotiques aberrants de certains éleveurs et de la mondialisation des échanges qui facilitent l’importation non déclarée d’antibiotiques et d’animaux porteurs de résistances. Il y va pourtant de l’avenir de l’efficacité de notre système de soins à lutter contre des infections graves.

 

Bernard Duran

 

 

Sources : plan ecoantibio2017.pdf

Bulletin épidémiologique Santé animale – alimentation novembre 2012 n°53

Etat des lieux de la résistance aux antibiotiques chez l’animal en France. Jean-Yves Madec

Bull. Acad. Vét. France — 2012 – Tome 165 – N°2 http//www.academie-veterinaire-defrance.org/

www.invs.sante.fr

www.sante.gouv.fr